Voilà j ai pu guérir. J ai survécu. J ai tout donné pour écrire mon mémoire, mon rapport se stage et ne pas perdre ma chance de changer ma vie. Pour ne pas retourner en pharmacie et devenir psychologue. J ai tout donné. À mon rythme. Mais je suis épuisée moralement et physiquement aussi…
Hier j ai fini mon mémoire de M1. Et je suis assez fière de l avoir fini et pas trop mal réussi même. Ça aurait pu être plus brillant mais j ai ramé et trimé tellement pour reprendre le dessus. Sur mon retard, sur la maladie, la fatigue, et les conséquences psychiques.
J ai pleuré. Beaucoup. J ai eu des images qui m assaillaient. Je ne pleure plus trop. Je n ai plus d images qui me prennent à la gorge. Je ne sais pas si ça reviendra.
J ai eu mes rendez vous avec ma psy par téléphone. J avais augmenté la fréquence. Maintenant ça va mieux Je retourne à des horaires habituels.
J ai perdu mon cousin Fabien. Mon père a perdu sa cousine Noëlle et son cousin, mon parrain Hervé, mon si gentil Parrain… ça a été si dur… si dur… si perpétuellement dur.
Je me rappelle avoir dit « J ai l impression que tout meurt à l extérieur. Et la solitude. Tous les jours. La solitude. Ne pas voir de proches. Être protégée dans mon nid mais si seule.
J ai revu des amis depuis. Christine. Nicolas. Marie et ses filles, mailys, Caroline, régis.
Et les gens que j ai interviewé pour mon mémoire. Quel bonheur. Quelles bouffées de social et d amitié.
Et les quelques apéros à distance. Les papotages de loin. Avec des amis. Avec mes parents et Jean Charles. Ce petit déjeuner à 9h30. La vie par la fibre.
Je me suis fait un emploi du temps. Rigide. Lever entre 8h30 et 9h. Travail à 9h voire 9h30 (de plus en plus tôt recemment) puis appel à ma mère vers 11h-11h30. Puis suivant la fatigue du travail ou du repos.
Quand j étais confinée j allais vers 10h faire les courses. Je travaillais un peu l après midi. Les courses à la petite épicerie à 5 minutes. 2 fois par semaines. J ai mangé souvent la même chose. Des choses réconfortante. Adieu le régime.
Au début J étais épuisée de mes premières sorties. Mes premières courses il m a fallu plusieurs heures pour m en remettre physiquement. Maintenant ça va bien mieux.
Je porte le masque. Je m étais habituée à l attestation mais je me suis bien deshabituée. Je fais attention. Je suis allée deux fois chez Marie, trois fois à la gare. Je fatigue et doit me poser un peu à mi chemin. Je n ai plus la même capacité à marcher. A cause de mes poumons ou à cause de la sédentarité du confinement. Je ne sais pas.
J ai été deux fois faire mes courses en bus. J aime bien. Je vois des gens Et j ai plus de choix.
Demain je vais prendre le thé chez Marie.
J ai travaillé presque 3 à 4 heures tous les jours depuis mon retour se l hôpital, enfin… depuis le 10 avril plutôt je crois… je suis sortie le profiter avril après 8 jours d hôpital. 3 jours de soins intensifs. 5 jours en pneumo. Je suis marquée à vie par cette interne qui m a sauvée. Je suis marquée à vie par cette aide soignante qui m a rendu ma dignité. Je suis marquée à vie par cette infirmière que j ai vu pleurer. Je n oublierai pas le mouvement du matelas anti escarre.
Je n oublierai pas qu avoir la tv m a maintenu. L.importance de mon téléphone. La joie de téléphoner chez moi. La.peur que mon frère meurt et qu on ne me.le dise pas. La peur pour mon frère. La peur pour moi. La souffrance. La solitude et la grande souffrance. La peur de mourir.
Je n oublierai pas la joie intense et la grande puissance ressentie ce soir là en sortant des soins intensifs, seule dansmon lit de pneumo. Juste avant j avais perdu espoir. Perdu l humanité un moment. Puis la joie la plus intense de ma vie est venue. Le bonheur de se dire que ça va mieux. Qu on va s en sortir moins souffrir. Ne pas mourir.
La force qu il fallait pour aller aux toilettes. La sonde posée qui a été retirée. J avais pleuré parce qu on me mettait une sonde. Les bleus partout. La perf douloureuse. La visite a 23h. Les levers à 5h, les soins une fois où je ne me suis presque pas réveillée. La solitude. Les repas amenés dans un sac plastique posé sur ma table.
La première fois ou je me suis levée pour aller aux toilettes. J ai dit à cette interne que j avais peur. Elle m a tenu les mains. Je suis allée m assoir dans les toilettes de ma chambre à tout petits pas. C était si difficile de marcher.
Puis la joie de me dire que j allais aux toilettes comme un être humain. Mais j ai appelé. Je m étouffe. Et cette interne est revenue. Elle m a regardé dans les yeux. Moi assise sur les toilettes et m a dit « respirez par le nez, respirez » et je l ai fait. Je ne suis pas morte. J ai respiré. J ai mis toute ma vie et mon énergie à respirer, en regardant cette femme là dan sles yeux. Pour ne pas mourir. Elle me tenait les mains. Et j ai respiré pas le.nez. elle m a sauvée je pense.
Puis… c est devenu plus facile. Puis…j ai pu vouloir sortir. Puis…on a évoqué une sortie. On a essayé de me faire les gaz du sang. 3 fois 3 infirmières, mais c était trop douloureux. Mes poignets n étaient qu un énorme hématome. Et j ai dit je refus qu on recommence en pressant mes poignets contre moi. Et on m a écouté. J ai pleuré quand on m a dit qu on ne recommencerai pas…J ai beaucoup pleuré. J ai beaucoup pleuré…
Quand j étais en soins intensifs, le dernier matin, avant de savoir que je sortais, j étais dans le désespoir. Dedans. Le désespoir. J ai pleuré si fort en m étouffant pendant la toilette. En m étouffant parce que je bougeais Juste sur le côté. L infirmière qui était là m a caressé la tête avec une parole douce de réconfort. Je pense qu elle aussi m a sauvée.
Et là… je reparlerai encore de tout ça… mais je suis sortie le 1er avril. Je suis retournée seule chez moi. Je n ai eu aucun réconfort avant les quelques câlins de deux amis qui sont venu chez moi. Mais j ai survécu à ça. Et j ainecrit mon mémoire. Et j ai même passé une journée de 12h à travailler un rendu de PowerPoint. J ai tout donné. Tout. Je suis fière.
J ai même donné mon plasma pour une étude. Pour que des gens aient mes anticorsp et survivent. Comme moi. Je transmets la flamme et la force qu on m a transmis et que j ai trouvé au fond de moi. Dans mon plasma. Et je vais en redonner plus tard. Le 11 juin. Je vais aider à sauver d autres gens et leur donner de l espoir. De l humanité peut être.
Je suis fière. Fatiguée. Dévastée de l.interieur. Dévastée de toutes les horreurs vécues. Les décès. J en parlerai. Je le dirai. Là… je vais dormir.
Je suis fière. J ai réussi mon pari. J ai fait un beau mémoire. Je vais passer en m2. Dans un an je suis psychologue.